Réconforter les collectifs – Parole à Aline Berger

30 juin 2020

Réconforter les collectifs

 

La pandémie a semé le chaos dans nos organisations, quels impacts a eu cette crise sur les collectifs ? Qu’ont-ils vécu ? Qu’est-ce que l’on retire de l’expérience ?

Il s’est passé quelque chose d’extraordinaire et d’inédit. 

La crise sanitaire a créé une vague pour ne pas dire un tsunami pour chacun, pour les organisations et par rebond pour les collectifs. Il y a eu le choc du confinement, et ses conséquences pour l’entreprise, et le déconfinement, un deuxième choc plus diffus, confus…

En quelques jours, les collectifs d’avant se sont déconstruits pour se réinventer et s’adapter aux besoins que la situation exigeait : de nouvelles formes de travail, une activité maintenue, partiellement ou non…

 

Les collectifs ont vécu un changement identitaire (Watzalvick – Ecole de Palo Alto). Un changement de niveau 1 : l’organisation, l’activité restent stables, quelques facteurs bougent : les modalités d’échange, le télétravail par exemple – ou de niveau 2 : le système est affecté et doit se modifier : arrêt de l’activité, changement d’activité, nouvelle stratégie… Dans ce dernier cas, il résulte une nouvelle construction de la réalité, et une nouvelle vision. 

 

Cela a pu se faire de manière harmonieuse, avec quelques cafouillages, avec solidarité, des résistances ou de l’inconfort. Quoiqu’il se soit produit, le changement s’est fait, avec une capacité d’adaptation incroyable de tous et en un temps extrêmement court. Il est intéressant de s’arrêter pour observer. Qu’a dévoilé le collectif ? Comment s’est-il adapté, mobilisé ? Cette expérience est un creuset pour ouvrir un meilleur futur potentiel.

 

Comment se réorganiser et capitaliser collectivement sur cette période ?

Une erreur serait de repartir comme avant. Le collectif d’avant n’est pas le collectif d’après. Individuellement, de manière plus ou moins profonde, certaines croyances et représentations peuvent avoir changé. Notre rapport au travail a pu se modifier. La manière de faire « collectif » elle-même a évolué par précaution sanitaire. 

Avant de reprendre la course, créer un temps ensemble pour échanger sur ce qu’il s’est joué peut être une première étape fondatrice. Démarrons par un temps de redécouverte. Qu’avons-nous appris ? Quels sont les inconforts rencontrés, et les nouveaux qui apparaissent avec le déconfinement ? Nous avons tous vécu quelque chose de difficile, et il est important que chacun puisse exprimer son histoire singulière. 

Portons ensuite notre regard sur le collectif et sa reconstruction. Si ce collectif était un être vivant, que ressentirait –il ? Si cet être pouvait parler, que dirait-il ? Que voulons-nous garder de nos modes de travail, au niveau relationnel… ? que voulons-nous développer ? Qui voulons-nous être en tant que collectif ? Une nouvelle intention et de nouvelles règles peuvent émerger.

Un champ des possibles s’est créé… explorons ce qui est et ce qui peut advenir.

Quels sont les rôles des managers pour réconforter les collectifs ?

La notion de « réconfort des collectifs » me touche et m’interpelle. J’ai consulté la définition de réconfort. Il s’agit de redonner du courage, de l’énergie, de la force. Un collectif est constitué de personnes, qui poursuivent un objectif commun. Chaque collectif a un fonctionnement et des valeurs, formalisés ou tacites.

J’imagine deux rôles indissociables et simultanés : accompagner chacun dans sa spécificité et redonner force et capacité au collectif.

Il me semble tout d’abord incontournable d’accompagner chacun dans son individualité dans une période qui vient faire bouger les certitudes. Faire appel à l’écoute profonde ouvre un champ illimité. Il s’agit d’une écoute empathique, consciente, où il est possible de percevoir la situation à travers le regard de l’autre. C’est une connexion à ce que l’autre ressent, pense et exprime. A cet endroit, il est possible de faire place à toutes les émotions, même les plus difficiles. L’autre est accueilli totalement, inconditionnellement. C’est permettre à chacun d’être reconnu dans ce qu’il a pu ressentir, dans ce qu’il est, et apporte. En allant vers plus de conscience, il est possible de sentir ce qui peut émerger et quelles sont les contributions personnelles nouvelles vers le collectif.

 

Ensuite, accompagner le collectif et lui redonner de la force, c’est lui offrir toutes les conditions pour le rendre capacitant, lui permettre de concentrer son action vers l’essentiel. La confiance en soi naît de l’action. Et pour cela, je vois deux volets :  

  • Porter le sens, pour donner à la fois la direction et la signification. Afin de permettre à un collectif de vivre un changement, il est nécessaire comme le décrit Schultz de construire et diffuser un nouveau sens collectif.
  • Et ensuite, une attention doit être portée sur la façon de faire pour permettre au collectif de se mettre en action et de savoir de quelle manière atteindre l’objectif : les rôles et l’organisation. Il peut être intéressant que le collectif soit acteur de cette réflexion. 

 

Selon Peter Senge, le collectif est fait de notre comportement collectif (ce que nous faisons chacun individuellement dans le collectif), notre conscience (ce que nous voyons) et notre intention (ce que nous voulons voir advenir). La force du collectif est liée à l’alignement de ces trois éléments.

 

Quelles sont les suggestions/et ou conseils à formuler aux dirigeants pour accompagner les équipes ?

Au-delà de porter de l’attention au collectif, vers chaque membre de l’équipe et d’incarner le sens et donner le cap, il s’agit également pour les dirigeants de continuer à équilibrer la santé sociale et économique, de répondre aux nouveaux risques juridiques qu’ils portent, de pérenniser l’entreprise dans un contexte instable et incertain avec un retrait fort probable du CA et une baisse des commandes client. Une nouvelle attention pourra être portée vers le conquête de nouveaux client et vers l’innovation… 

[Soupir]… Quelle énergie, motivation et envie sont nécessaires ! et quelle santé !

  1. La première suggestion que j’ai envie d’amener, c’est de partager ces rôles et responsabilités, de déléguer ceux-ci auprès de personnes alignées par l’envie, le sens et les compétences, et multiplier ainsi les sources d’énergie. Par ailleurs, cela est modélisant et inspirant pour les équipes sur la manière de faire collectif par la richesse de la diversité.
  2. Le second point à mon sens essentiel, c’est de prendre le temps pour ralentir. Selon Bill o’Brien : « le succès d’une intervention » ou d’une action, « dépend de l’état intérieur de celui qui la porte ». Réserver des temps de pause pour se régénérer, des moments de présence et nourrir ce qui est essentiel semble difficile et pourtant ceux-ci font gagner du temps. Comment est-ce que je juge mon état intérieur ? Suis-je en mode automatique (stimuli-solution) ou est-ce que je parviens à agir et prendre les décisions en conscience ? Quels sont mes besoins à cet instant précis : de silence ? de rire et de légèreté ? Ai-je besoin de remettre de l’ordre dans mes priorités ? Peut être est-ce le besoin d’un peu de repos, ou d’activité physique… 
  3. Et enfin ma troisième suggestion est de partager ce qui est vécu et trouver des ressources en dehors de l’entreprise : avoir des moments avec des personnes de confiance qui peut agir comme un miroir et nourrir la réflexion, faire partie d’un groupe de pairs par exemple. Ai-je pu moi-même exprimer l’impact de cette crise pour moi, mettre en lumière ce que je vis et bénéficier d’une écoute empathique ? Les choses peuvent avoir bougé aussi pour moi. Qu’émerge-t-il de nouveau ? Qu’ai-je envie de donner de moi ?

 

Pour porter et incarner le sens d’une organisation, « afin de faire une invitation puissante, il est important de pouvoir parler de soi » – Frédéric Laloux – mai 2020. Etre au clair avec ses ressentis profonds, permet de les partager avec force et sérénité.

 

Aline Berger – Thésame,  coordinatrice Elence, experte innovation organisationnelle et managériale.

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