Poursuivre l’innovation dans la création de valeur – Parole à Rachel Bocquet

15 juillet 2020

Poursuivre l’innovation dans la création de valeur ( service rendu, utilité sociétale) 

Quelles sont les activités qui sont apparues comme essentielles ? 

L’innovation s’est imposée comme une nécessité en réponse à cette crise inédite. Il a fallu tout d’abord bricoler, trouver de nouvelles solutions et de nouvelles façons de faire pour limiter les pertes d’exploitation, préserver les emplois et poursuivre l’activité. Ensuite, cette crise a provoqué un questionnement plus profond sur nos valeurs fondamentales. Si la crise est vecteur d’angoisse et d’incertitudes, elle constitue aussi le terreau pour développer et mettre en œuvre de nouveaux modèles d’affaires, de nouveaux modèles d’organisation et de management plus ouverts, responsables et durables. C’est bien la création de valeur qui est réinterrogée aujourd’hui : quelles valeurs voulons-nous créer et pour qui ?

Quelles sont les activités « cohérentes » à la fois du point de vue économique, d’utilité sociale et environnementale ? 

La cohérence entre ces trois piliers doit être portée au plus haut niveau, celui de la stratégie. Cette cohérence est celle des organisations qui adoptent de « vraies » stratégies de responsabilité sociale (RSE) (« doing well by doing good !») par opposition à celles qui ne font que le dire à l’image du « green washing » ou du « window dressing ». Au même titre que la dimension économique, les dimensions sociale et environnementale doivent être intégrées au « core business ». Pour illustrer, prenons le cas des achats responsables qui ne reposent plus sur le triptyque coût, qualité, délai mais appellent à une nouvelle façon d’acheter pour prendre en compte la création de valeur sociale et environnementale tout au long de la supply chain. De telles stratégies RSE intègrent donc une nouvelle conception de la création de valeur. Elle n’est plus exclusivement d’ordre économique mais aussi d’ordre social, environnemental et sociétal. Elle dépasse également les frontières traditionnelles de l’entreprise et élargit ses responsabilités à un ensemble de parties prenantes. Certes, la mise en œuvre de telles stratégies RSE impliquent des changements organisationnels profonds et des investissements parfois lourds mais les travaux scientifiques montrent clairement qu’elles se traduisent par une performance accrue et durable.  

En période de crise en quoi la coopération s’avèrerait-elle plus utile que la compétition ?

Entre concurrence et coopération, il y a la coopétition. Ce phénomène n’est pas nouveau mais tend à se développer en période de crise. Les organisations se concurrencent sur certains points tout en coopérant sur d’autres. En adoptant de telles stratégies relationnelles « paradoxales », il s’agit d’allier les avantages de la compétition en étant inciter à faire mieux et différemment et les avantages de la coopération en mutualisant les ressources, les coûts et les risques et en créant de nouvelles solutions d’avenir. Ces stratégies ne sont pas réservées aux grandes entreprises et les pôles de compétitivité, les clusters ont largement favorisé leur diffusion à l’échelle territoriale et régionale.

Quelles sont les activités à faible valeur ajoutée d’un point de vue sociétal ?  

Des activités à faible valeur ajoutée d’un point de vue sociétal sont des activités qui créent de la valeur économique sans considérer leur impact potentiellement négatif sur la société dans son ensemble, que ce soit au plan environnemental et social. Elles interrogent également un registre plus moral, celui de la légitimité des organisations, à travers leur capacité à répondre aux attentes de la société. Une chose est sûre : ces activités à faible valeur ajoutée sociétale devront être considérablement réduites dans un système où les normes et valeurs sociétales tendent à devenir centrales.

Comment peut-on renforcer la proximité/localisation (avec les clients et fournisseurs) ? 

Un certain nombre d’entreprises ont bien compris que l’innovation n’est plus l’affaire exclusive de la R&D ou de quelques spécialistes en interne. L’innovation devient ouverte et, à ce titre, les fournisseurs, clients, concurrents, laboratoires de recherche, etc. représentent des sources clés pour innover. Dans ce cadre, la proximité géographique n’est pas un facteur neutre. Elle contribue à faciliter l’émergence d’un socle commun qui facilite les échanges de connaissances, les opportunités de rencontre et la confiance. 

Quelles sont vos pistes pour poursuivre l’innovation dans les organisations ?

L’innovation est un phénomène complexe de nature technologique et non technologique, multi-niveaux et multi-factoriels. Elle puise ses sources dans chacun d’entre nous, se nourrit à l’échelle organisationnelle, inter-organisationnelle et extra-organisationnelle. Une préoccupation centrale des dirigeants est celle de la capacité à organiser et à manager cette complexité. En l’absence d’un « one best way », les chercheurs en management de l’innovation comme moi, vous invite à développer, avec eux, les modèles et les outils de management de l’innovation pour accompagner votre transformation. Parce que l’innovation est profondément distribuée et ouverte, elle doit faire appel à des lieux inédits d’expérimentation collective. A ce titre, rejoignez-nous dans le cadre de la chaire « Innovation Ouverte, Management 4.0 et Prospective à l’Ere du Numérique » (IOPEN) pilotée par la fondation Université Savoie Mont Blanc!

 

Rachel BocquetProfesseur des universités à l’IAE Savoie Mont Blanc (USMB), Rachel Bocquet est chercheur en management de l’innovation à l’IREGE et co-responsable de l’axe Innovation et Développement des Organisations. Ses recherches sont centrées sur l’étude des déterminants des différents types d’innovation (innovation technologique, managériale et environnementale etc.) et leurs complémentarités à l’échelle des firmes. Elle s’intéresse également à la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et son lien complexe à l’innovation et à la performance. Elle a publié ses travaux dans les meilleures revues internationales comme le Journal of Small Business Management, International Small Business Journal, Journal of Business Ethics et Research Policy. Elle est éditrice associée de la revue académique M@n@gement. Son activité de recherche et ses missions (ex-Vice-Présidente aux Relations Entreprises de l’USMB, Vice-Présidente de la Fondation USMB) sont en relation étroite avec le monde de l’entreprise. Elle est responsable de la chaire innovation ouverte et management 4.0 pour accompagner les entreprises dans leur transformation numérique et leur changement organisationnel.

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