Quelle place de l’humain dans la performance ?

3 mai 2019

La performance dans l’entreprise se construit grâce à l’humain. Ce titre pourrait paraître usé et évident.
Une organisation, effectivement, ce sont des hommes et des femmes qui travaillent ensemble.
Questionnons avec Matthieu Detchessahar le sens de ce message : quelle innovation concrète en ressort ?

Au cœur de la performance : humain versus système

Aujourd’hui, si bon nombre de séminaires vantent l’humain au cœur de l’entreprise, une conviction persiste sur le terrain : la performance tient à la qualité du système de gestion.
Elle est liée aux bons outils, aux bons dispositifs, aux bons process, aux bonnes règles et procédures, au détriment de la fiabilité humaine.
Le rôle du management est de vérifier que l’homme agit conformément aux règles et au système de l’entreprise.

Des systèmes faillibles complétés par la mobilisation humaine

Effectivement, l’homme n’a pas la puissance du système et de la machine. Il n’est pas aussi fiable que la machine. C’est vrai.

Néanmoins, le système de gestion et d’organisation technique, les modes opératoires sont faibles et déficients. Ils ne peuvent pas tout prévoir, tout anticiper, tout mettre en scénario ou en règle. Ils sont sensibles aux imprévus, aléas. Et c’est normal : ils sont construits par des hommes.

Qui réagit lorsque le système est pris en faute ? Qui fait face à l’incertain ? Ce sont bien les hommes.

La mobilisation intelligente de l’humain dans l’action complète les failles nombreuses du système.

Les hommes mobilisent leurs compétences, leur professionnalisme, leurs engagements, leur capacité d’innover. Pour faire face aux fragilités des systèmes, c’est donc bien l’homme qui fait la différence.

L’humain fait la différence

Nous avons besoin de machines et d’un système, certes.
Mais les appareils seront toujours insuffisants pour assurer la performance. La mobilisation active des hommes, la coopération, le professionnalisme sont indispensables au système pour pallier les failles et l’améliorer.

Prenons l’exemple d’une centrale nucléaire.

Le management en conçoit les règles, que l’homme exécute, puis vérifie la conformité du travail.

Mais la sûreté des centrales repose sur l’humain.
L’arrêt d’une tranche est planifié par des procédures et des modes opératoires.
Et le jour de l’arrêt du réacteur, une multitude d’incidents d’imprévus – des fortuits – se produisent. Interviennent alors les agents de maintenance, leur professionnalisme, leur compétence, leur capacité à recomposer le système en cours et à coopérer entre eux. Pour combler les failles du système lors de l’arrêt d’une tranche, le dialogue est indispensable.

Cet exemple révèle que la performance d’une organisation dépend d’une part de la qualité de ses règles et d’autre part de la qualité de sa régulation.

La nécessaire régulation

Si le besoin de règles mises en place par des experts et de procédures est avéré, celles-ci sont insuffisantes pour obtenir la performance.
La régulation est indispensable. Elle repose sur l’intelligence individuelle et collective des travailleurs en situation qui ne se contentent pas d’appliquer le système, mais mobilisent leurs compétences pour le réinventer et le compléter en temps réel. Cette part-là est décidément bien humaine.

Que constatons-nous sur le terrain ? Beaucoup d’attention est portée sur les moyens, sur la construction de règles – par dizaines – au détriment de la qualité de la régulation.
Cette intelligence de terrain, cette coopération sont nécessaires pour réguler le système et faire face aux contraintes du travail en situation.

Les conditions nécessaires à la régulation et à la mobilisation d’une intelligence collective

  • donner de l’autonomie aux équipes pour les laisser décider
  • créer des espaces de dialogue pour réguler l’activité, des temps durant lesquels les équipes échangent sur le travail. Est-ce possible dans des organisations qui ont tendance à faire la chasse au temps mort, à tout rationaliser ?
  • compléter les failles du système, c’est-à-dire déroger aux règles puisqu’elles ne s’appliquent pas dans la situation. Facile à dire, mais laisse-t-on cette capacité à déroger ?
  • pouvoir exprimer que la règle n’est pas la bonne, qu’elle n’est pas applicable au réel. À qui le dire ? Aux concepteurs de la règle, à la hiérarchie ?

Si l’humain est au cœur de la performance, il doit pouvoir déroger aux règles, décider, dialoguer.

La performance distinctive de l’organisation repose sur la qualité de la régulation

Les règles sont copiables, imitables. Les modes opératoires sont à peu près les mêmes partout, sans distinction.
La qualité de la régulation suppose d’avoir construit un management dans une atmosphère de confiance, pour bénéficier de temps de dialogue, nécessaires à la coopération, pouvoir dire, pouvoir agir. C’est bien ceci qui est distinctif et difficilement copiable.
La performance repose effectivement sur la mobilisation humaine : fondatrice d’une compétence distinctive et d‘un avantage concurrentiel. Ce sont bien les hommes qui font la différence.

Propos recueillis lors d’une intervention de Mathieu Detchessahar, lors du colloque Élence ‘Performance, l’humain fait la différence’ (2018).

Mathieu Detchessahar est Professeur des universités, Institut d’Administration des Entreprises de l’Université de Nantes. Il dirige une équipe de recherche à Nantes sur l’organisation du travail et de transformation des organisations. Ils accompagnent des entreprises publiques, privées, hospitalières dans la volonté de transformer leurs organisations et d’innover en matière de management.

Pour Mathieu Detchessahar, la spécificité, originalité et force du programme Élence sont liées à sa capacité à fédérer de manière décloisonnée et collective : collectivités locales, services déconcentrés de l’état, organismes de formation supérieure, et organismes de formation continue, etc.

Au cœur d’Élence, les entreprises, au cœur du cœur, les hommes. Au sein du programme Élence, nous travaillons et expérimentons sur le sujet de la performance globale. Elence offre une passerelle entre le monde des entreprises et de la recherche. Il est question d’humain, de collectif et de performance globale de l’entreprise.

12 chantiers coopératifs et 3 axes de travail composent Élence

  • Côté entreprises, aider les collectifs humains à mieux fonctionner
  • Côté formation, revisiter la montée en compétence des managers
  • Côté recherche, construire l’innovation en s’appuyant sur la recherche.

L’objectif : partager nos méthodes et inspirer les entreprises qui elles aussi sont persuadées que la performance globale de l’entreprise repose sur le bien-être au travail.

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