[ACTU] AMÉLIORER LA PERFORMANCE GLOBALE DES ENTREPRISES PAR LA PRÉVENTION DES RISQUES

PRÉVENTION ET PERFORMANCE : PLACER L’HUMAIN AU CŒUR DE LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES

Pierre Canetto, chargé de mission, Direction des Applications, INRS

LE CONTEXTE

Depuis les années 1990, de nombreuses études ont mis en avant les effets économiques positifs des actions et des politiques de prévention. Ces études révèlent des retours sur investissement importants (souvent largement supérieurs à deux, sur des durées de l’ordre d’une année), sur des périmètres variés (des pays, des entreprises, des actions ponctuelles). Au niveau des entreprises, les principales sources de « gain » identifiées sont notamment : l’évitement de coûts directs et indirects générés par des sinistres et maladies, les gains de productivité, la valorisation de paramètres intangibles (image de l’entreprise, qualité de la production)…

LA SYNERGIE ENTRE PRÉVENTION & PERFORMANCE

Cependant, les ressorts internes d’une synergie entre prévention et performance d’entreprise sont encore peu explorés. Des hypothèses ou des convictions sont invoquées, notamment en ce qui concerne un lien entre de « bonnes » conditions de travail et l’engagement, la motivation, des salariés. On rejoint ici les approches où le bien-être des individus concourt à l’enrichissement du capital humain des entreprises. Nombre d’actions de qualité de vie au travail (QVT) sont mises en œuvre dans cet esprit. Au-delà de cette vision vertueuse, la prévention intègre une culture et des valeurs, elle propose des cadres d’organisation et d’action, susceptibles d’accompagner les entreprises vers une démarche d’amélioration continue, globale et pérenne.

L’APPROCHE DE LA PRÉVENTION DES RISQUES

La prévention des risques professionnels traite de la santé et sécurité des salariés. Son approche s’appuie sur un référentiel technique éprouvé : outils de mesure et d’analyse, dispositifs de réduction du risque ; démarches structurées d’analyse, de recherche de causes, de conception, de mise en œuvre et d’évaluation des solutions. Conscients du rôle essentiel des interactions entre services dans les processus des entreprises, les préventeurs intègrent naturellement les questions d’organisation dans leurs analyses. La prévention et le monde de l’entreprise partagent donc un fonds culturel commun, et il est naturel de rechercher les « bonnes pratiques » de prévention pour créer une dynamique dans le fonctionnement des entreprises.

La démarche de prévention s’appuie sur les instances représentatives des parties prenantes internes de l’entreprise (CSE[1]-CCSCT[2]). Cette organisation opérationnelle, intégrée à l’entreprise, est un cadre favorable à une démarche collective partagée.

L’HUMAIN AU CŒUR DE LA PRÉVENTION

L’humain est d’évidence au cœur des préoccupations de la prévention. Mais celle-ci a pour caractéristique de baser son approche sur le travail qu’il réalise. En complément de la décomposition des processus en étapes de « production », la démarche de la prévention part des conditions de leur réalisation : qu’est-ce qui est (vraiment) fait, par qui et avec qui, pourquoi… L’étude des situations à partir du travail réel propose un regard qui complète les analyses de processus basées sur des indicateurs de production nécessairement réducteurs. Ce point de vue de terrain est bénéfique à une politique de construction et d’évolution des standards : elle favorise leur consolidation permanente en prenant en compte les imprévus et les latitudes identifiés par les salariés sur leur travail. Le champ des actions possibles dans la recherche de solutions est élargi. La question des charges physiques, cognitives et psychosociales des opérateurs dans la réalisation des tâches envisagées est abordée ; des freins évidents à la pérennisation des actions d’amélioration continue sont ainsi pris en compte. Les exigences d’agilité imposées à l’entreprise par le marché et la construction le plus en amont possible de la santé et de la sécurité au travail convergent.

LA DÉMARCHE DE PRÉVENTION MISE SUR L’IMPLICATION ET L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

On sait que les démarches d’amélioration continue s’appuient, en principe, sur l’implication des salariés, mais on sait aussi qu’il est difficile de mettre en œuvre cette exigence d’une manière qui ne soit pas superficielle et qui peut être vécue comme une instrumentalisation. Dans le cadre de son organisation, la démarche de prévention considère le salarié comme actif : en tant « qu’expert » de sa situation, il est force d’analyse et de proposition. Il n’est pas contraint par des grilles d’analyse ou des objectifs prédéterminés. Accompagné par des repères méthodologiques, son implication, sa créativité sont suscitées et mises à profit.  La vision « d’autonomie » des opérateurs portée par la prévention est bénéfique à leur implication effective et positive.

Cette implication participe à la construction d’une « intelligence collective ». Les différents acteurs sont soutenus par un référentiel technique et d’analyse dans une démarche de type projet, qui s’étend de l’évaluation des risques à l’évaluation des solutions. Se développe ainsi un apprentissage collectif. L’entreprise expérimente de nouvelles modalités d’apprentissage favorisant le décloisonnement, la coopération et l’expérience collective. La capitalisation du savoir et son enrichissement continu sont activés.

ALLIER PRÉVENTION & PERFORMANCE

Le réseau prévention de l’assurance maladie-risques professionnels observe et travaille ces liens positifs entre Prévention et Performance au sein des entreprises ; ses revues s’en font d’ailleurs régulièrement l’écho. Pour aller plus loin, il expérimente dans différentes régions des interventions activant cette synergie, au niveau d’actions de prévention, de processus d’entreprises, ou de collectifs d’entreprises. Il développe aujourd’hui un projet national expérimental « amélioration de la performance par la prévention ». L’objectif est de construire une méthodologie structurée, outillée et basée sur la mise en place de pratiques coopératives effectives. Est visé, à terme, le déploiement de cette méthodologie par les entreprises de manière autonome.

L’intégration effective des « bonnes pratiques » de prévention dans le fonctionnement de l’entreprise contribue à transformer son organisation. Elle développe la notion de service rendu aux différentes parties prenantes du travail : l’entreprise, le client, le salarié. La démarche d’amélioration continue est partagée et intégrée, elle suit une dynamique d’apprentissage vivante qui contribue à sa pérennisation. La coopération effective des salariés fait converger l’amélioration de la qualité du travail, et de ses conditions de réalisation.

Références du réseau prévention pour aller plus loin

  • Sur les études économiques : Prévenir les risques professionnels : un enjeu économique pour l’entreprise, Note thématique Eurogip – Paris, Février 2017, Réf. EUROGIP – 124/F..
  • Pour confronter des angles d’approche sur le sujet : La prévention des risques : un atout pour la performance de l’entreprise, INRS, dossier de la revue « Hygiène et sécurité du travail » n°251, réf. DO 21, juin 2018
  • Pour appréhender les éléments structurants des différentes approches, et les illustrer par des témoignages et des citations d’experts et d’industriels : Prévention et performance d’entreprise : Panorama des approches et des points de vue, INRS, PV 7, 2018 :
  • Des cas d’entreprise illustrant le sujet : site de la revue Travail & Sécurité, et notamment : Dossier Prévention et performance de la revue Travail & Sécurité n° 808 du 09/09/2019 :

[1] Comité social et économique

[2] Commission santé, sécurité et conditions de travail

Source de l’article : parution dans le magazine  qualité références – Numéro 85

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